Elle l’avait imaginé ce moment de
la séparation.
Elle
l'avait même, non sans culpabilité, espéré parfois.
Elle
ironisait sur le bonheur de retrouver enfin sa douce liberté, sur le plaisir
de s'abandonner à l'égoïsme oublié.
Ce
départ serait aussi naturel qu'un changement de saisons avait-elle dit !
Après tout,
il y a un âge où il est bon de les voir partir.
Elle en
avait utilisées des images surfaites des "quitter le nid", des
"couper le cordon" des "voler de ses propres ailes"...
Elle en
avait rêvé, de sa caricature de fils-homme, sourire aux lèvres, les yeux
remplis de la certitude de celui qui va conquérir le monde.
Elle, bras
en métronome, joie non dissimulée, petites envolées de baisers et jetées de
mots d'amour encourageants.
Flotterait
alors dans l'air des odeurs de réussite, la satisfaction du maitre devant son
chef d'œuvre achevé. Vingt quatre années de dur labeur, enfin récompensées.
Elle en
avait fait un homme parfait....
Mais voilà
qu’aujourd'hui, à l'heure du départ, tout semble si différent. Elle se tient
immobile sur le seuil d'une maison comme endeuillée.
Le cœur à
terre, que déjà quelques insectes dispersent.
Bras
ballants d'une poupée de fichons, intérieur de la joue tailladée à coup de
molaires.
Toutes ses
forces de mère sont concentrées sur ses canaux lacrymaux. Surtout ne pas
pleurer, surtout ne pas entraver la joie du fils en partance, tenir au moins
jusqu'à ce qu'il ne puisse plus la voir...
Sourire,
sourire et que ce soit vrai !
Voilà plus
d'une heure qu'il a disparu de son horizon, elle n'a pas bougé d'un micron. Ses
pieds lui semblent enracinés dans cette gigantesque cour vide, devant le
portail béant, elle est une microscopique femme dessous l'immensité bleu.
Elle a mille ans !
Elle
le sent, ça l'empêche de bouger, au moindre mouvement, au moindre souffle c'est
sûr elle se brise, s'éparpille et se disloque en un millions de poussières.
De la poussière de baisers, de
nuits de veille, de la poussière de varicelle, de fièvres, de tables de
multiplication, de mots d'amour, de
larmes, de la poussière d'anniversaires, de cache-cache, de Colin Maillard,
de genoux écorchés, de la poussière de Perrault et d'Andersen…
Nostalgie quand tu nous tiens ! Les enfants partent pour mieux les retrouver, sur un autre plan, plus égalitaire, en principe. Il ne faut jamais abandonner tout à fait l'égoïsme cr l'objet de l'altruisme qui s'en va laisse un vide immense et difficile à combler. Réapprendre tard à penser à soi ! Ce texte est très émouvant qui exprime si finement le désarroi d'une mère redevenue femme !
RépondreSupprimerça c'est très chouette, très vrai, cet immobilisme final ...
RépondreSupprimerMagnifique..
RépondreSupprimerMais cette angoisse sous-jacente : en offrant la vie, impossible de la dissocier de la mort.
RépondreSupprimeret pourtant, cela est vital !
RépondreSupprimerfiouuuuuu c'est si bien décrit tout ça ...Et la conclusion est de la gelée de tendresse que j'adore.
RépondreSupprimerTellement si vrai...! S'ouvre alors un nouveau cahier à couvrir de mots souvenirs pour enchanter un peu plus le présent...:-)) Bisous France
RépondreSupprimerC'est mon coeur de mère qui se prépare qui bat un peu plus fort en lisant tes mots:) je dis souvent que j'apprends au fil des jours à ouvrir mes bras, je relâche un peu par là, je concentre un peu plus ailleurs, autrement... sourire ... Un très joli texte, si vrai !
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