jeudi 7 décembre 2023

Encore un peu de route à faire ...



Vous savez, docteur, il m'a fait jurer de ne jamais le laisser comme ça.
Il a tenu jusqu'à maintenant parce que je l'ai supplié d'essayer, je l'ai supplié de croire et tenir encore un peu pour moi…

Lorsqu'il parlait encore, il disait :
"Dieu ne peut être partout, on doit l'aider parfois, tu l'aideras dis-moi ?"

Il disait aussi : " Nous sommes des corps, des cœurs, mais nous sommes avant tout des cerveaux, des pensées... Dis-moi, mon Amour, lorsque mon corps m'enfermera dans une souffrance sans fin, où mon seul salut résidera dans cette attente que la mort me prenne, dans ce coma artificiel où la drogue me plongera… Dis-moi, mon amour, que tu trouveras la force de finir là notre histoire... Promets-moi de ne pas tenir obstinément ce fil qui ne demande qu'à rompre... 

Dis-leur, toi, que nous ne possédons rien vraiment, si ce n'est notre vie, et donne-leur cette lettre le moment venu."


Messieurs, 
J'ai lutté, tant que j'ai pu, me suis accroché à tous les espoirs à ma portée. 
Ai prié les dieux, les hommes, la science, le diable même parfois je l'avoue... Mais je suis fatigué de cette bataille pour la vie, de ce combat perdu d'avance à la naissance. Le jour où vous lirez ces mots, je ne serai plus rien qu'un trépas dans l'attente. Cette vie m'appartient, et je n'y suis plus attaché.
Je crois que je dois ajouter que je suis sain, non de corps bien sûr, mais d'esprit. Esprit, prisonnier de cette geôle putride qui fut corps, libéré à chaque fois que la dose de morphine n'arrive pas à temps...

           Je gémis malgré moi en vous écrivant, preuve que d'ici peu, vous m'endormirez à nouveau et                           que je ne pourrai plus, longtemps encore, tenir ce stylo.

Je vous demande de bien vouloir accepter que mon épouse me transfère dans un hôpital suisse, où m'attendent mes dernières médications.
Je vous remercie pour vos bons soins, et de permettre à mon corps de faire ce dernier voyage.
Adieu.

 

Docteur, je sortirai donc ce soir avec mon mari que vous le vouliez, le compreniez ou non. La Suisse nous attend... 

Il nous reste à tous les deux encore, un peu de route à faire...







13 commentaires:

  1. je suis K.O c'est pas humain un talent pareil !

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  2. Quelle disposition d'esprit pour traiter d'un sujet sensible et qui fâche. Quelle réflexion. Quelle distanciation par l'écriture. Quelle profondeur!Moi aussi j'en suis baba!

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  3. Je copierai bien ce texte pour le glisser dans mon sac. Y aura-t-il quelqu'un, alors, pour m'aider ainsi ?

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  4. Je ne sais quelle part de vécu il y a dans ton texte (ne le demande pas).
    Pour ma part, et pour ta gouverne seule, j'adhère à l'ADMD. Donc suis très heureux de lire ça ici.
    (évidemment j'ai signé les pétitions pour le Dr Bonnemaison).
    Vivons dignement et ayons également ce droit de mourir dans la dignité. A plus...

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  5. Quand on arrive à un stade " Où rien ne tient qu'à un fil" le corps qui concentre l'énergie aux organes vitaux.
    Seule nourriture la morphine et une injection d'ipnovel associé,
    Un être qui " ne lâche pas le morceau"
    La conscience et le psychisme du malade qui se voit partir devant ses proches impuissants.
    Une part de mystère sans réponse,

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  6. Que la force soit avec vous
    que ses souhaits se réalisent
    que la joie reste parmi vous

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  7. Ah là, là.. Même pas, j'écoute Aznavour, plus tard... ♥

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  8. J'ai enfin vu "Soleil Vert" grâce à Choule. Si le progrès continue dans la direction de la science-fiction, le problème sera résolu.
    Plus sérieusement mon grand-père est mort avec une aide, ainsi que ma mère, accompagnés par l'ADMD.
    J'imagine que le changement sera possible après la fin du règne de l'argent car les laboratoires constituent un lobby généreux qui lutte activement contre l'attendrissement de nos élus.

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  9. Une histoire de route... Avec des mots qui restent dans les tournants et qui nous touchent.
    Merci pour ce beau texte.
    Amitiés,
    Béa

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  10. histoire très émouvante sur un sujet de société. Comment légiférer au plus juste avec humanité et respect ? J'ai une amie qui vient d'accompagner sa maman pour son dernier voyage en Suisse... c'est possible là-bas, alors...

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  11. La souffrance est parfois telle qu'elle emplit toute la vie, et quoi de plus affreux de voir ceux qu'on aime, se décomposer de douleur et perdre ainbsi tout reste d'humanité.
    Texte poignant

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  12. C'est toujours difficile, souvent je reviens te lire parfois à plusieurs jours d'intervalle avant de laisser un commentaire. Et là tu fais si fort, que je reste vide de mots.

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  13. Merci, Je l'ai écrite du bout du coeur, après quelques réflexions sur un sujet d'actualité bien difficile ... Vers vous tous des pensées amoureuses de la vie.

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Des battements d'ailes de vous à moi ...

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