lundi 19 septembre 2011

L'intrus sur l'étagère...






J'ai conservé son vieux journal intime, précieusement rangé, sur l'étage de la pléiade.

Les secrets, potins et autres banalités de la vie de Mamie, ainsi placés entre André Malraux et Karl Marx.
En effet ne possédant pas les ouvrages de Marivaux* et  Martin du Gard*, le hasard alphabétique l'a placé là... Je souris souvent à la vue de ce vieux cahier coincé entre ces deux génies dont elle devait ignorer jusqu'aux noms. Je l'imagine parlant de la condition humaine et fumant avec André ou s'offrir quelques échanges polis dans la langue de Goethe avec Karl... Natürlich !

C'est vraiment un drôle de voisinage pour une vielle dame née en Allemagne dans un petit village de Rhénanie, à Idar-Oberstein non loin de la belle ville de Trier, et enrôlée de force dans les jeunesses Hitlériennes, comme tous les Bons Aryens de sa génération.

Ça doit vraiment pas plaire à Malraux cette histoire...
Ce dut être complétement surnaturel pour lui de se retrouver ainsi, à côté du démon absolu. Passé le temps du mépris,  Mamie s'est certainement rapprocher un peu, a brisé les voix du silence pour faire connaissance du bout des mots et rendre l'espoir à l'homme précaire de la littérature ... J'ai cessé de m'inquiéter pour la tranquillité d'André en m'apercevant que de l'autre côté l'épaulait Mallarmé.

Je me fais bien plus de soucis pour le voisin de gauche de Mamie. Le premier contact me sembla plus simple. Ils avaient déjà un bon capital commun afin de se lier plus aisément. Ils partageaient la Rhénanie, le plattdeutsch et Mamie ne devait pas manquer d'intérêt aux yeux de Karl en tant qu'ancienne ouvrière au bas salaire dans une usine de tabac. Il avait dû néanmoins s'arracher quelques poils à la barbe, mon Karl, en écoutant Mamie parler de sa sainte famille ou en découvrant la misère de sa philosophie. J'attends d'ailleurs, sous peu une révolution à cet endroit de la bibliothèque. Le chevalier de la noble conscience devenu velu frustré, obligé d'éviter toutes discussions en économie et philosophie. Je ne sais combien de temps il tiendra encore.


Car ce que je ne vous dis pas,
c'est qu'à côté de lui, le seul bel ami 
que la pléiade lui a fourni,
est à particule un bourgeois
de Maupassant, Pour Karl c'est pas la joie !













* Je suis preneuse au cas où vous n'en feriez rien ;)

13 commentaires:

  1. Ups... j'ai cliqué dans un machin chez Lali et me voilà ici !

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  2. Ce billet est tout simplement savoureux!

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  3. Voilà donc sur les rayons de la bibliothèque que Mamie flirte avec les célébrités et que sa place ne lui est due que parce qu'un jour elle fut grand-mère. Était-elle donc cela avant d'être un prénom ou un nom ? Et cela lui plaît-il de laisser courir sa fine écriture manuscrite auprès de ces caractères d'imprimerie ? Je vois pourtant qu'elle n'a pas de complexes à avoir, elle me semble armée d'une belle expérience qui pourrait rendre certains mâles célèbres jaloux ! Heureusement qu'ils cohabitent dans des couloirs de temps parallèles et font parfois la sourde oreille ! (Tu aurais pu garder un sofa moelleux rien que pour elle !)

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  4. Bien le texte avec mamie! souvenirs, souvenirs!

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  5. Je me demande où Voltaire est allé chercher les noms de ses personnages dans Candide ?

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  6. J'aime la géographie, j'ai toujours retenu des lieux, des dates, des moments. Comme en Wesphalie, où ma prof de français prenait du plaisir à nous faire aimer la lecture.

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  7. L'intrus a belle mine, la page fine le ton clair. On se croirait certes à la Pléiade ou à l'Académie, au Sénat au Tribunal au milieu des vieilles barbes imposantes qui ont tant vécu.Mes respects madame : vous semblez tirer vos pages du jeu.

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  8. J'ai plaisir à relire ce texte dont je me souvenais.Il m'avait impressionnée.

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  9. t'as tjs pas rangé ton bureau ! les étagères vont finir par s’écrouler... et puis tu n'aimerais pas martin du gard !

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  10. pas poussiéreuse de commentaires cette étagère... Merci, vers vous les odeurs de vieux grimoires...

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  11. Joli. Si j'étais toi je la ferais voyager. Je l'appellerais un temps : "Ah, Mamie" ou "Chère Mamie", ou par son prénom, ou son nom, histoire de lui donner de temps en temps d'autres voisins.
    Je trouve amusant aussi d'avoir parlé de Malraux aujourd'hui sur ton blog avant d'avoir lu cette note. :)

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Des battements d'ailes de vous à moi ...

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