mardi 6 juillet 2021

Les groseilliers...

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Le potager de grand-père, c'était un petit jardin, pas plus de cinquante mètres carrés, caché derrière une haute haie de troènes bien taillée. 

On poussait le portillon de bois au vernis écaillé, et on se trouvait dans son paradis ouvrier.
Sa parcelle de liberté  au milieu des rangées de choux, de carottes, de tomates, de persil et d’artichauts. 

Un printemps il m'a offert un grand mètre carré, rien qu'à moi ! 

C'est facile à mesurer un mètre carré, vous savez !

Il avait  fait un grand pas, un quart de tour... puis un grand pas, un quart de tour... puis un grand pas, un quart de tour...  et encore un grand pas... et il avait dit : « ce bout est à toi. Mets y ce que tu voudras, mais un baobab n'y rentrera pas ! » 

J'avais à cette époque, des envies de séquoias, d’eucalyptus, de sapin de Douglas, au sommet desquels je pourrais voir la mer, toucher les nuages, questionner Dieu et pourquoi pas, redescendre mon chien que l'on m'avait dit, à cette époque, être monté au ciel... 

Mais dans un mouchoir de poche, d’un mètre de côté, rien de tout cela ne tenait...

J’ai fini par laisser ma gourmandise opter pour un groseillier.

Je me félicitais rapidement de ce choix. En effet, dès le premier été, malgré sa toute petite taille et le peu de soin que je lui avais prodigué, mon groseillier s’avéra d’une très grande générosité !

Les vieux groseilliers au fond du jardin avaient souvent pâles figures face à la fière rougeur des fruits qu’arborait le mien.

Je me suis d’ailleurs bien souvent moquée de la maigre production de mon grand-père et de ses vieux arbustes qui devenaient chaque jour plus avares que la veille…

Ma plante ne comptait que cinq frêles branches, mais me donnait, quotidiennement de quoi remplir mes joues, mon estomac et le saladier bleu de mamie.

Tous les matins d’été, à 11h30, je dévalais par l’escalier, les trois étages de l’immeuble, traversais la rue qui me séparait du jardin et rejoignais un Tupperware en main, mon aïeul à l’abri des regards derrière les troènes.

C’était alors, que sonnait, pour nous, l’heure de la cueillette, chacun de nous, dans son coin, à ses fruits…

Je récoltais frénétiquement mes grappes de groseilles, ne m’arrêtant que pour narguer, l’ancêtre tant aimé, dans de grands éclats de rire railleurs.
Plus mon grand père rouspétait, plus il menaçait ses plants à lui, d’arrachage, de coupes sauvages, plus il les traitait de fainéants, plus fort je riais…

Il me suppliait même parfois, de lui donner mon secret des récoltes miraculeuses… Je trouvais toujours, dans ces moments là, quelques bons conseils à donner avec la plus grande des assurances...

Bien entendu, rien n’a jamais été magique, ailleurs que dans ma tête d’enfant.

De la magie, née du coeur d’un vieil homme aimant, qui chaque matin avant ma venue, débarrassait ses vieux groseilliers de leurs fruits et les déposer sur les fragiles branches que je tentais de faire pousser …














Vous pouvez retrouver ce texte en version audio ici 




19 commentaires:

  1. C'est la première fois que je devine la chute du texte avant de la lire...

    Peut-être est-ce parce que je commence à savoir comment ils fonctionnent, tes textes ? ;-)

    Une pirouette finale qui cueille une belle émotion...

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  2. C'est vraiment touchant: à fleur d'émotion sucrée-salée.

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  3. Il y a des grands-pères drôlement plus forts au quotidien que bien des pères Noël une fois par an...

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  4. Une très jolie histoire, une histoire d'amour en somme... :-)
    Belle soirée à toi, LH.

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  5. Très belle histoire, d'amour avec un grand père, histoire de transmission, d'héritage, d'arbre à planter et surtout de fruits rouges. Hasard je viens de poster une photo de framboises.

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  6. ce mètre carré de jardin est le plus beau jardin du monde.
    et sans magie !

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  7. Ce qui me vient là ..tout de suite...? C' est trop beau...
    Comme c' est magique l' amour d' un grand père qui a su semer au coeur de si beaux souvenirs...:-))
    Juste une question: t' es sure que les tupperware étaient déjà de ce monde..?? :-))
    Allez des bises en chapelet de groseille

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  8. #Mathilde :la petite boite hermétique est arrivée en France dans les années 60 à une époque où je n'étais pas encore née ! C'est trop beau pour être vrai??? mais assurément parce que ça ne l'est pas ! Mes histoires sont elles pas toujours destinées à être des histoires!?... des bises gout groseilles !

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  9. C'est drôle, j'ai senti mais à la fin seulement, les trois dernières lignes, que tu créais l'histoire, mais elle est si belle oui, qu'on y croit quand même et toi aussi sûrement un peu ... De toute façon, on a tous un groseillier au coeur non ... et des rêves de fleurs, de fruits à faire pousser, tant que nous vivons ...
    Vraiment j'ai aimé ta narration, je l'ai vu ce 1 m carré de terre, j'ai entendu la voix du papi ...
    ( merci pour la photo, tu es gentille, alors je te fais un sourire en grand ( à la fin de l'espace ;)

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  10. Et bien c'est comme j'écrivais tout à l'heure chez Saravati, je crois tout ce que je lis !
    J'ai connu les tupperware :) les petits jardins et les fruits rouges, plutôt des framboises pour moi !
    S'inventer des souvenirs, c'est un sujet qui me tient à coeur, et l'enfance est une mine d'or pour ceux qui croient au Père-Noël et aux jolies choses !
    En tout cas, moi aussi je t'ai vu dans le jardin, mais promis et chut, je ne dirais rien...

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  11. Il faut trouver un illustrateur et en faire un conte pour enfants.
    C'est tout à fait le style d'histoire que j'aimais leur lire, et que j'aime encore... Une histoire d'amour et de jardin.

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  12. Même quand on devient grand, le jardin continue de faire des cadeaux, sans bienfaiteur invisible. La vie seule est un cadeau :)

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  13. OH quelle splendide histoire d'amour entre grand-père et enfant !!! et dire qu'avant la fin de l'histoire je t'enviais ces groseilliers vu que les miens n'ont jamais voulu donné.
    j'ai mis du temps à revenir ici et là... pour de profondes raisons, et surtout je me suis préparée à un grand voyage par étapes en france, cela faisait si longtemps qu eje ne pouvais plus me déplacer mais je le paie cher ce voyage...

    je ne veux pas dire sur mon blog pourquoi j'ai fermé quelques temps pour réfléchir à l'avenir de mes deux blogs... mais j'ai fermé le jour ou nommément , sur le blog d'un illuminé et de sa clique... j'ai lu que Nanou était un parasite des blogs... ça fiche un coup quand même !
    alors j'ai fermé un moment et ensuite, je n'ai pas prévenu et j'ai laissé revenir ceux qui avaient envie de me retrouver et depuis ce n'est que du bonheur à partager ...ma réponse convient elle à ta question il y a qqs jours ?
    voilà ma chère LH, et que ces groseilles ont l'air appétissantes
    je t'adresse un grand sourire

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  14. Dire que j'ai failli râter ce texte ! Heureusement je le découvre aujourd'hui et il me séduit. J'ai vécu la même chose cette année en temps que grand-mère avec mon petit fils. Ma tentative de potager n'a rien donné alors que ses plantes en pots ont été généreuses sans qu'il ne s'en occupe vraiment. Cela l'a bien fait rire. Et il n'y a aucune explication plausible ce coup là, je le jure, ce ne peut être que la magie.

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  15. Ce ne peut être que la magie ...et l'amour entre un grand père et sa petite fille est si merveilleux. J'ai eu cette chance là moi aussi et dans son jardin je faisais aussi de la soupe aux escargots.

    Ce texte est merveilleux, je pense que tous ces mots devraient remplir la tête de nos enfants quand ils sont à l'école, apprendre à lire , oui, c'est bien, mais encore faut -il leur fournir du rêve...ce texte oui est merveilleux...

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  16. Cette année, première récolte, mais bien maigre. L'essentiel ayant été rendu à la terre mère, mais juste des grappilles pour attendre, avec gourmandise, l'année prochaine... Bises bleu cassis...

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  17. J'aimerai bien déguster une groseille sauvage, où trouve-ton ces petites baies rouges?
    Enfin, "L'Hermione" est prête à voguer...

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  18. Elle est bien attendrissante cette histoire. Le souvenir a un goût de fruits rouges acidulés, grand-père doit en sourire...

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  19. Quel plaisir de relire ce texte ici...
    Un petit bonjour en passant, où que tu sois...

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Des battements d'ailes de vous à moi ...

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