vendredi 18 mars 2011

Vous ne tuerez plus au bois...






Ils sont arrivés, en groupe, avec leurs papiers à signer.

Elle faisait face à leurs cartouchières. Elle les écoutait négocier l'accès pour ensanglanter  ses champs abandonnés, ses bouts de forêts convoitées...

Ils pestaient, criaient à l'injustice,  lui opposaient, que son prédécesseur les laissait tuer en liberté sur ses terres.
Ils expliquaient les merveilleuses retombées qu'elle aurait à participer.
Les délectables mets dont ils garniraient sa table en grands seigneurs pour la remercier.
Ils énuméraient les nuisances engendrées par d'épouvantables lapins, d'odieuses hases, de méprisantes biches, d'effroyables sangliers, de détestables faisanes et de dangereux chevreuils, autant de vies inutiles qu'ils s'offraient de la débarrasser ... Tous fiers, en armes qu'ils étaient.

Elle devait, ainsi leur accorder des vies à prendre, que pourtant elle ne possédait.

Elle s'est toujours vivement étonnée de la quantité de bonnes raisons, que nous nous trouvons à tuer. Toujours étonnée, de cette "nature humaine" contre laquelle on ne pourrait rien. Toujours étonnée qu'il ne faille pas s'indigner pour la mort d'une bête, alors qu'il y a tant d'hommes qui tombent ailleurs ... Tant de combats plus nobles à mener ... Tant de vies plus importantes ... Et toujours si peu de raisons pour laisser vivre ...

Et bien, elle a décidé, que personne ne chassera plus sur ses parcelles enchampignonées.

Ses terres sont désormais, celles où l'on respecte toutes vies, où l'on se délecte de la vue et non du goût des gibiers.  Où l'on apprend à regarder, aimer et partager.  Les terres où prospèrent nos balbutiements d'humanité, où nous vivons différents et en paix.

Je ne vous interdis pas de traverser,
Entrez chez moi, vos fusils au bras cassés
Faites y  une pause et contemplez
La terre, l'insecte qui y rampe
Le ciel qui enchante
Aux vieux chênes venez vous adosser
Emplissez vos yeux de toutes ces vies
Écoutez les battements de cette vivante symphonie...
Et repartez sur la pointe des pieds
Le cœur léger, satisfait de n'avoir point brisé
L'équilibre de cette précieuse et fragile harmonie.


Chasseurs humains, vous n'êtes pas son combat. Vous êtes cette part d'elle contre laquelle elle lutte.
Ce stade à dépasser pour mériter enfin le titre abusivement porté par les siens : le deux fois sages ...

Homo sapiens sapiens...

lundi 14 mars 2011

Pas à pas ...

Elle court.
Parce que ça la ronge...
Pour voler un peu de temps à la vie.
Parce que si elle s'arrête,
elle y pense...
Parce que si elle y pense,
elle le sent gagner,
Elle rit
Pour mentir à la vie
Guérir sa sournoise maladie
Pour oublier les souffrances
Ne pas voir les lumières de la compassion
Elle pleure
Quand elle est seule
En enlevant sa perruque,
Lorsque ses enfants dorment,
Par peur de ne pas les voir grandir...
Elle prie
Les Dieux de l'aider
La science d'avancer
Les hommes de comprendre
Et toi, de t'occuper de tout ce qu'elle aura laissé...

samedi 12 mars 2011

Danse de la pluie ...




Depuis quelques heures, j'observai la tête en l'air les nuages de pluie peindre en gris souris mon coin de ciel bleu.

Je quittai mon bureau, m'installai à la fenêtre, ainsi au premier balcon j'eus une vue imprenable sur la scène.



J'assistai au ballet des parapluies, mes danseurs de toiles circulaires embaleinées.

Le ciel accorda ses musiciens, bientôt ils trouvèrent le tempo, le spectacle s'annonça prometteur, ils la jouèrent "allegro" la partition du jour.

Les baladins arrivèrent de tous côtés, je me délectai de leurs relevés, leurs battements, leurs balancés, leurs emboités et demi-pliés.
Je dévorai des yeux la danse des couleurs et me laissai prendre à l'impudique jeu du voyeur frustré, m'abandonnant à imaginer sous chacune des jupes imperméables.

Dans cette ronde, où se mêlèrent petits rats têtes nues dégoulinantes, étoiles en tutus bariolés, le coryphée fut de loin mon préféré.
Il apparut en solo dans un dramatique final,  tenant, à bout de bras, son journal sur tête, tel un danseur accent circonflexe, les doigts encrés de mots.

Je regardai, "Le Monde" ruisselant des larmes célestes, l'âme ouverte en deux, perdre sa substance.
Impuissante et contemplative " Le Monde" d'hier se mourut sous mes yeux.





vendredi 4 mars 2011

L'oiseau...


Ai volé souvent bien loin
Gardant le ciel pour témoin
Connais le rêve de l'oiseau
De celui qui plane au dessus de l'eau
Qui à bout de souffle se pose
Touchant terre se métamorphose
Ailes repliées il est morose
et en oublie le parfum des belles choses
Rêve d'étoiles au firmament
Et fixe le ciel en t'attendant...




mercredi 2 mars 2011

Attrape la boite mon ange s'il te plait ...





Elle y avait déposé ses souvenirs. Des lettres d'amour, des tickets, des billets, des choses à toucher, à respirer. Des visages jaunies, des fleurs séchées, un trèfle  ratatiné. Un morceau de lacet, une capsule rouillée, une pièce trouée...

J'ouvrais de mes mains jeunes et agiles sa boite aux merveilles.

Je saisissais sa main déformée, tremblante, ridée et décharnée avec  tendresse et délicatesse, je craignais qu'elle ne se brisât, tant elle me semblait fragile. 

Je déposais en sa paume bleutée ce puzzle de vie, morceaux après morceaux.

Avec elle, j'attendais le facteur en 1920, et dévorais cette lettre brulante de la passion naissante. Je l'entendais dans mon cœur ce Canon de Pachelbel à la Madeleine, mon âme en vibrait pour elle, avec elle. 
Je nous voyais prendre ce train, elle ne se souvenait pas où il nous emmenait...Par ses yeux j'étais à la noce de ses fiançailles. Je faisais rouler entre mes doigts ce bout de lacet rose de son dernier corset. Puis en voyant la photographie du bal, elle a fredonné doucement, tristement :




"Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marque les heures de la vie
Nous n'aurions pas la triste appréhension
D'entendre l'heur' de la séparation
Après avoir passé toute une vie
A nous chérir sans aucune jalousie
Le cœur bien gros, on n'devrait pas penser
Qu'un jour hélas, il faudra nous quitter
Vivons d'espoir, à quoi bon s'fair' tant d'bile
Puisqu'on n'peut pas arrêter les aiguilles"
 
 

J'étais là, avec sa précieuse boite sur les genoux, c'était léger, c'est léger ce qu'il reste d'une vie...
 
 
L'Amour ça ne pèse pas grand-chose









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